mercredi 5 octobre 2011

Lorsque les réseaux sociaux n'ont plus d'utilité...

Ce post fait référence d'abord à l'émission Place de la toile du 1er octobre 2011, produite et animée par Xavier de la Porte sur France-Culture, lequel blogue son commentaire hebdomadaire sur un artéfact (livre, article, vidéo...) qui a lu, vu ou entendu.
Cette semaine, il s'agissait en l'occurrence d'un article de A.G. Sulzberger titré « Dans les petites villes, les rumeurs qui circulent sur le web deviennent nocives » publié dans le New York Times du 19 septembre 2011. L'article fait en effet référence aux fâcheuses conséquences qu'ont eu la mauvaise utilisation (diffamation et calomnies anonymes) d'un forum communautaire dans la petite ville américaine de Mountain Grove (5000 hab.).

Xavier de la Porte commente par ailleurs cet article ici. Le texte ci-dessous est donc en quelque sorte une réécriture du commentaire que j'ai posté sur son blog Internet Actu.
 
Jennifer James, l'une des victimes des ragots transportés par le forum communautaire de Mountain Grove (Mo) — Photo de Steve Hebert pour le New York Times

L'article de Sulzberger semble créer en effet un certain émoi — un tant soit peu extrapolé — alors qu'il devrait plutôt nous faire réfléchir. D'aucuns diront qu'il s'agit une fois de plus d'une attaque contre la liberté d'expression tout azimut qui doit régner sur internet. Je dirais plutôt qu'il s'agit d'une piste de réflexion vers ce à quoi servent les innovations (au sens sociologique du terme) et en l'occurrence ici les forums et/ou les réseaux sociaux.
Avant de s'emporter et de sauter sur ses grands chevaux, il serait sans doute recommandable d'allez fouiller un peu dans les rayons des biblitohèques universitaires de sciences humaines (sociologie, psycho, ethno…) qui regorgent de mémoires, de thèses et d’études sur les cultures populaires rurales et qui mettent en évidence, de façon directe ou indirecte, des phénomènes de rumeurs qui, lorsqu'ils enflent dans de petits espaces, génèrent des drames, comme ceux qu’a observé Sulzberger.
On peut difficilement reprocher à ce journaliste d’avoir pris la peine d’interviewer Christian Sandwig, chercheur à Urbana dans l’Illinois, histoire d’éclairer les comportements divers et variés — mais quand même pas géniaux — de la petite ville de Mountain Grove. Quand on est journaliste au NYT et qu’on va chercher le point de vue d’un universitaire comme Sandvig, réputé pour ses prises de positions plutôt libérales quant à l’intégration des nouvelles technologies dans l’éducation pour qu’elles deviennent des outils à part entière dans notre vie quotidienne, je ne pense pas que la démarche soit « néophobe », comme on peut le lire.
Le problème qui est posé est ce qu’on fait des comportements humains y compris les plus séculiers, orduriers ou non, à l’heure où les vecteurs de communication publique se transforment et se multiplient de façon exponentielle.
Le propos n’est pas de dire « Internet, c’est mal, donc on bloque tout », mais peut-être de réfléchir aux outils — techniques, éthiques, moraux, sociaux… — qui manquent à n’importe quel citoyen. Il est évident que les sphères rurales et urbaines ne partagent pas les mêmes valeurs d'usage, en ce qui concerne la communication. Déjà parce que cette notion de l’anonymat disparaît dans les petites villes (voir le commentaire de Zaapataa, en fin de blog de Xavier de la Porte). C’est d’autant plus vrai en Amérique du Nord et encore plus aux États-Unis où le communautarisme est si développé dans les milieux ruraux qu’il est devenu une condition de survie sine qua non à ces macrosociétés qui priorisent une vie de tous les jours à l’échelle humaine.
Regardons par ailleurs les choses dans l’autre sens : la solidarité entre les individus n’est pas une chose courante dans les grandes villes où règne l’anonymat. Les réseaux sociaux et les forums, pour le coup, viennent combler ce vide et jouent un rôle de lien social. En cela, ce sont plutôt les arguments de Topix, la société qui hébergent le forum local de Mountain Grove, qui sont contestables en se dégageant de toute responsabilité de diffamation et en se protégeant derrière le premier amendement de la constitution américaine.
Je crois au contraire que cet article du NYT soulève de vrais problèmes de société où les innovations sont toujours assorties d’un mode d’emploi — trop ? — standard qui ne tient pas compte des catégories d’usagers vers lesquelles ces nouveautés sont destinées.